Commençons d’abord par un petit rappel concernant les immatriculations des véhicules de l’armée française (pour une explication en détail je vous invite à visiter l’article suivant sur le site de Jean-Louis Martin: immatriculations de 1955 à 1966)
Avant la mi-1960, les véhicules sont identifiés par une plaque comprenant 6 chiffres. Les véhicules de liaison tout terrain ont comme premier chiffre le 0 (moyennant quelques exceptions comme toujours…).
Le deuxième et le troisième chiffre correspondent à des années de constructions, dans une logique qui m’échappe mais dont on peut retrouver la structure dans le tableau suivant :
1957: |
De 025000 à 025999, de 026000 à 026999 et de 027000 à 027xxx |
1958: |
De 027xxx+1 à 027999, de 074000 à 074999, de 075000 jusque 075??? et enfin de 031000 à 031yyy |
1959: |
De 031yyy+1 à 031999, de 032000 à 032999, 033000 à 033999 et de 034000 à 034zzz |
1960: |
De 034zzz+1 à 034999 et de 035000 à 035999 |
Ex : Ma Jeep Hotchkiss de 1957 est immatriculée 026 723 d’origine.
A partir de la moitié de 1960, la numérotation change et l’on se retrouve avec des plaques de 7 chiffres, dont le premier correspond à l’arme : Ainsi, les Jeep de l’armée de terre et de la gendarmerie se voient associer le numéro 2.
Le second numéro correspond à l’année du modèle : 0 pour 1960, 1 pour 1961, …
Le troisième numéro identifie le type de véhicule et est pour les Jeep soit 1 (nouveau véhicule) soit 5 (véhicule reconstruit ou reconditionné).
Ex trouvé sur Internet: 231 1474
Au niveau de la production des Sahara, il faut évidemment distinguer les 6V des 24V. Quelques 400 modèles 6V ont été livrés à l’armée françaises, par lot de 50 à 100 pièces, entre 1959 et début 1960. Concernant les 24V, on est certain de la livraison minimale de +/- 150 modèles de fin 1960 à 1962 : un document précise la livraison de la totalité du matériel commandé, à savoir 157 unités début 1962. Mais le nombre total est inconnu. Il n’y a aucune trace de livraison ultérieure, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y en a pas eu…
Y a-t-il eu une production postérieure ? Est-il possible d’identifier une saharienne uniquement par son numéro d’immatriculation? Les Jeep ENTAC sont-elles des sahariennes transformées ?
Nous allons essayer de corroborer cela avec les photos des immatriculations des M201 Sahara.
Pour ce faire nous allons poser 2 hypothèses:
La première: à la manière d’un sondage, les photos que nous avons des M201 Sahara représentent un échantillon significatif du parc des véhicules produits.
La seconde: les immatriculations d’un lot de véhicule devaient se suivre dans une même série de numéros.
Tout d’abord les 6V :
Comme précisé, elles sont livrées en 1959 et début 1960. L’on peut donc s’attendre à des immatriculations commençant par 03, et c’est ce qu’il ressort des photos, puisque nous distinguons d’abord des plaques 033, mais sans groupement de numéros : 033 313, 033 514, 033 991. Il est clair que cela peut juste être du à un manque de photos d’époque.
Par contre, la série 034 est plus intéressante, car ici on distingue clairement un lot avec un certain groupement de numéros allant de 034 072 jusque 034 161. Si l’on rajoute la Jeep Old Lady (voir Blog) dont le numéro est 034 171, on trouve 6 plaques dans une série de 99 numéros. A cela s’ajoute un numéro un peu plus grand 034 254, mais qui pourrait être lié à la série précédente.
Dès lors tout numéro compris entre 034 072 et 034 171 correspond quasi certainement à une saharienne.
Ensuite les 24V :
Concernant les 24V, les Jeep sont livrées fin 1960, en 1961 et début 1962 et donc on doit s’attendre à des numérotations en 7 chiffres commençant par 201 pour les premiers modèles de 1960, puis par 211 pour les millésimes 1961 et par 221 pour les modèles de 1962. On est certain que la totalité des livraisons est de 150 modèles entre fin 1960 et le début de l’année 1962, et après c’est l’inconnu.
Je ne trouve aucune photo d’un modèle avec une plaque commençant par 201, ni par 231, ni 241. Toutes les plaques commencent par 211 ou 221, millésimes 1961 et 1962. Partant de ma première hypothèse, les Sahara 24V sont dès lors toutes sorties durant ces 2 années.
On distingue de plus 2 séries de numéros:
Pour 1961, de 211 4004 à 211 4087, 7 Jeep sont identifiées dans une série de 83 numéros.
Pour 1962, de 221 2130 à 221 217?, 5 Jeep sont identifiées dans une série de 40 numéros.
Tout numéro dans ces 2 séries correspond donc quasi certainement à une saharienne.
En poussant un peu, on pourrait dire que la série de 1961 pourrait correspondre à un lot de 100 véhicules (on arrondit 80 par le haut pour trouver 100), et que la série de 1962 pourrait correspondre à +/- 50 véhicules (on arrondit 40 par le haut pour trouver 50). 157 véhicules livrés dans 2 lots, le premier en 1961, le second en 1962.
Ça ne reste qu’une hypothèse, mais elle est plausible.
Quid après 1962? Et quid de ENTAC ?
De nombreuses photos de Jeep ENTAC dans les années 60 montrent tous les attributs des sahariennes 24V. La question est de savoir si il s’agit de sahariennes « ENTACquisée », ou de modèles normaux ayant reçu des attributs sahariens.
Quoique je n’exclue pas la première hypothèse, c’est-à-dire que certaines sahariennes ont été ENTACquisée, l’analyse des photos et de l’immatriculation montre quasi toujours des modèles de 1963 (je n’ai trouvé qu’une ENTAC de 1962, la 221 2282 mais qui est hors de la série d’immatriculation des saharienne de 1962, voir plus haut).
Or, on a vu plus haut que visiblement toutes les sahariennes 24V détachées dans le Sahara avaient été livrées en 1961 et 1962. Je pense dès lors que l’on peut émettre 2 hypothèses:
Tout d’abord on peut penser que l’armée française s’est retrouvée avec un stock inutile de pièces destinées aux sahariennes, et que ces pièces ont été montées sur les premiers modèles ENTAC : pneus Michelin XC, phares Auteroche, filtre à air, coffre à outils, … Finalement, on a un modèle quasi identique, mais dont la finalité est totalement différente : Des Jeep Sahara ou quasi, mais pas conçues pour le désert en quelque sorte. On constate de plus que les Jeep ENTAC se voient rajouter des renforts aux jumelles de suspension (photo de droite, ENTAC de 1962), chose qu’on ne distingue pas sur les vrais sahariennes (photo de gauche, Sahara de 1962).
Autre hypothèse, le contingent de Jeep sahariennes est suffisant en Algérie à partir de la fin de la guerre: en effet, il ne reste que la base de Mers el Kébir et les bases du sud saharien dans l’ancienne colonie après les accords d’Evian, et dès lors les Jeep Sahara construites en 1963 ne savent plus être déployées sur le terrain. Qu’à cela ne tienne, elles sont repeintes en kaki, et recoivent les équipements ENTAC qui profitent probablement des suspensions arrières renforcées du modèle Sahara. Au passage on rajoute les renforts de jumelles sur les ressorts.
Cette seconde hypothèse est renforcée par les photos d’une « survivante » trouvée sur le site http://cvma.e-monsite.com/pages/restauration/jeep-m201-sahara.html qui date de 1963 et dont l’immatriculation est 231 1871:
Sur ce site, vous constaterez que la peinture originale est bien le beige sable. Elle a donc été construite en 1963, comme saharienne, mais je doute qu’elle ait un jour enduré les chaleurs du Tanezrouft…
A noter qu’ensuite, les Jeep ENTAC seront complètement redéveloppées et perdront tous leurs attributs sahariens.
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