Vapor Lock et nouvelle hypothèse

Aujourd’hui je vais aborder 2 sujets dont je vous ai déjà parlé, à savoir le vapor lock et les modifications du circuit d’essence sur certaines Jeep Sahara 24v, dont la Jeep Sichler que je reproduis.

Mais commençons par le vapor lock. A la lecture des témoignages d’époque, on constate que c’était un des plus gros problèmes sur les véhicules évoluant dans le Sahara. J’ai pu me procurer sur eBay le Science et Vie Hors-série de 1958 sur le Sahara. C’est une source incroyable de renseignement.

Un article particulier aborde les véhicules sahariens. Voici ce qu’on dit à propos du Vapor Lock :

« Les installations de dispositifs spéciaux ne s’arrêtent pas là. L’alimentation en carburant pose, à cause de la chaleur, de sérieux problèmes dont le « vapor lock » est l’une des manifestations. On préconise dans ce cas de placer deux pompes aussi bas que possible ; l’une mécanique, l’autre électrique et commençant à débiter avant que le moteur soit en route. »

C’est intéressant parce que l’on constate que le dédoublement du circuit d’essence avec ajout d’une pompe électrique n’est pas propre à la Jeep Sahara, mais est une solution préconisée pour tous les véhicules devant évoluer dans le Sahara. La Jeep Sahara ne révolutionne rien et pioche à gauche à droite des solutions déjà éprouvées(et pas que pour le circuit d’essence, pour preuve, le gonfleur Bavox utilisé sur les anciens camions Citroen U23, le phare Auteroche qui provient de véhicules civils)

Je me suis donc mis à la recherche d’autres témoignages (source : les amis du pic Laperrine), et le suivant est assez intéressant car il nous donne l’appellation de cette pompe°:

« …sur les Berliet GLC 28 une pompe électrique nommée pompe de balayage était actionnée lors du crachotement du moteur et avait pour effet de remettre en ordre sans arrêt et pouvoir continuer comme si de rien était… »

Le Vapor Lock touche donc tous les véhicules et les solutions apportées ne sont parfois pas suffisantes. L’ajout de la pompe Autopulse va certes diminuer le phénomène sur la Jeep, mais pas l’empêcher. Et les conséquences peuvent être dramatiques, comme à la lecture de ce témoignage :

« De plus, il était sujet aux « vapor lock ». C’est la vaporisation de l’essence entre la pompe et le carburateur. Résultat : panne d’essence avec un réservoir plein. Un sous-lieutenant en a été victime entre Reggan et Hamoudia. Il a perdu son sang-froid et a abandonné sa jeep. Il en est mort. »

Des solutions de terrain vont donc être trouvées. Voici un autre témoignage d’une astuce trouvée pour l’éviter :

« Il faisait très chaud, au Sahara, mais il n’y avait pas que les hommes qui souffraient. A In Amguel, on était à 1000 mètres d’altitude, et le Vapor-Lock était notre hantise. J’avais récupéré un vieux tuyau de douche torsadé qui fuyait de partout. Je l’avais plaqué sur la tubulure d’essence et il dépassait à l’arrière du capot de ma jeep. (…) De temps en temps, quand le moteur commençait à tousser, je le remplissais d’eau qui suintait. Elle refroidissait tant bien que mal la partie où l’essence surchauffée se vaporisait. Mais il ne fallait pas que le carburateur se désamorce complètement : il n’y avait plus qu’à s’arrêter, capot ouvert, et attendre que ça refroidisse ! »

Une autre solution consistait à enrouler les tuyauteries d’essence et le carburateur de tissus qu’on imbibait d’eau. L’évaporation du liquide consommant de la chaleur, la température diminuait et l’essence ne se vaporisait pas :

« La solution qu’on utilisait est toute simple : il faut prendre des gros chiffons , les tremper dans de l’eau, un peu les égoutter , et entourer entièrement le carbu avec ces chiffons mouillés ( et les empêcher de tomber en les attachant ! ) »

sur cette photo on voit le conducteur verser de l’eau sur les conduites du circuit d’essence.


Ou encore sur les Dodge :

« (…)en juin sur la piste la température pouvait atteindre et même dépasser 45 °C (ce qui donnait parfois une température ressentie de + de 70 °C). (…) Nous étions le plus souvent obligé de stopper en plein hamada car les Dodge et autres véhicules à moteur à essence vaporisaient (on disait qu’ils faisaient des « vapor locks » ) et malgré l’astuce des mécanos (on enveloppait les pompes à essence et les carburateurs de bandelettes en tissus que l’on humidifiait même en roulant donc en ouvrant les capots au risque de tomber sur la piste ) cela ne suffisait pas et nous tombions en panne. »

Autre témoignage, et autre solution apportée sur les Dodge :

« Départ 4h00, nous repérons des traces de caravane de chameaux. Les 6X6 font du Vapor Lock: à 16h00 l’essence se vaporise dans le circuit : on sort un jerrycan de 20 l qu’on met sur un point haut, à côté du chauffeur et on relie par un tuyau directement au carburateur, sans passer par la pompe. »

On parle également de l’utilisation des extincteurs que l’on vidait sur les tuyauteries d’essence, ce qui diminuait fortement la température. Enfin, j’ai lu un autre témoignage qui parlait de l’orientation du vent. En effet, si vous aviez un vent de dos en roulant en plein été, le compartiment moteur était beaucoup moins refroidi, ce qui pouvait accentuer le phénomène de vaporisation. Il fallait parfois évoluer en zigzags pour avoir au minimum un vent latéral et aérer un tant soit peu le moteur.

Cette histoire de vent arrière m’a fait penser à une nouvelle hypothèse quant au circuit d’essence des Sahariennes et en particulier celui de la Jeep Sichler. Je vous renvoie pour cela à mon article les bidouillages de la série 221 21xx.

Dans cet article, j’avais analysé 4 photos de Jeep pour lesquelles on constatait une modification du circuit d’essence. On trouvait sous l’aile avant gauche un filtre à essence.

J’avais émis des hypothèses quant à cette modification. Je vous retranscris ma première hypothèse d’alors qui concernait une modification du circuit d’essence mécanique (le circuit principal) :

« Hypothèse 1 : Le filtre à essence du circuit principal est déplacé de l’intérieur du capot, de sa position standard sur le tablier avant gauche, vers l’intérieur de l’aile. Cette hypothèse ne me plait pas trop parce que je ne vois pas la raison de déplacer ce filtre d’un endroit pratique et protégé vers un endroit finalement assez exposé. »

Vous constatez que ne comprenant pas l’intérêt de cette modification, elle ne me convainquait pas. En me relisant je comprends que la solution est peut-être justement dans ce que je trouvais absurde, à savoir la position exposée du filtre à essence!!!

En plein été la chaleur atteint parfois plus de 45°c à l’ombre. Cela surchauffe les tôles. On peut cuire un œuf sur l’aile d’un Dodge et l’air confiné dans le compartiment moteur est déjà bien chauffé. Lorsque le moteur tourne et dégage de la chaleur, c’est encore pire et la température augmente de plus belle. Pour pallier à cela, on constate sur de nombreux véhicules évoluant dans le Sahara qu’on enlève souvent les éléments latéraux du capot afin d’aérer le moteur. Ce n’est pas possible sur une Jeep malheureusement.

Tout élément se trouvant dans ce compartiment va chauffer. Ainsi, l’essence contenue dans les canalisations va voir sa température augmenter, mais également l’essence se trouvant dans le filtre à essence et qui y transite avec un débit assez lent.

Dès lors, en plaçant le filtre à essence sous l’aile avant, vous la sortez de l’environnement très chaud du compartiment moteur. De plus par la vitesse du véhicule, vous l’aérez et donc empêchez une augmentation trop importante de la température de l’essence qui y transite.

En conclusion, le filtre à essence du circuit principal (mécanique) est déplacé hors du compartiment moteur afin de rendre la Jeep un peu moins sensible au vapor lock. Le circuit de la pompe de balayage (Autopulse, électrique), n’est pas modifié et vient augmenter la pression de l’essence en cas de début de vapor lock.

Je trouve cette hypothèse très élégante malgré que je n’aie à nouveau aucune certitude.

Il me faut encore trouver une autre preuve pour l’étayer.

Pour ce faire, je vous remontre le circuit d’essence des Jeep 24V : en bleu le circuit « mécanique », en rouge le circuit « électrique » de secours, avec la pompe de balayage Autopulse.

Cette pompe Autopulse est placée normalement derrière un carénage que l’on peut voir sur la photo suivante.

Si on modifie le circuit rouge, et donc qu’on déplace la pompe électrique et le filtre de ce circuit, il n’y a plus de raison de garder ce carénage. Et donc, si le carénage est présent, on peut supposer que le circuit rouge n’est pas modifié.

Or, ce carénage possède un élément distinctif, à savoir 2 petites plaques qui dépassent pour protéger la pompe, ce qui donne l’impression d’avoir 2 petites piques vers le bas, voir une tête de diable à l’envers.

Sur la Jeep 221 2130, en agrandissant on distingue ces 2 petites piques.

Et donc, ce n’est pas le circuit rouge (électrique) qui est modifié, mais le circuit bleu de la pompe mécanique. Sur la Jeep 221 2130, le filtre à essence est donc également déplacé hors du compartiment moteur, à un point plus bas, et beaucoup plus aéré.

cqfd

Je compte dès lors modifier mon circuit d’essence de la sorte sur ma Jeep.

Sur ce A+

Big One

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