Les jeeps post SAHARA

Les M201 SAHARA sont restées pour la plupart en Algérie à la suite des accords d’Evian. Certaines sont encore produites durant l’année 1963 et sont stockées en vue d’une éventuelle opération outre-mer. Mais elles sont finalement intégrées dans des sections ENTAC fin des années 60 avant de perdre leurs attributs sahariens. En 1967, la France quitte définitivement l’Algérie et les M201 SAHARA qui sont rapatriées passent pour la plupart par les Ateliers de la Maltournée. Les M201 SAHARA ne survivent donc pas au années 60 et disparaissent pour la plupart.

Une section ENTAC du 8eRPIMA en 1966. La présence d’un coffre à outil sur le parechoc de la jeep pourrait signifier qu’il s’agisse d’une ex M201-SAHARA, ou d’une jeep ENTAC ayant reçu des attributs sahariens.
Autre jeep ENTAC sur laquelle on distingue le phare de recherche Auteroche, le préfiltre à air ainsi que des pontets sur le capot. A nouveau, impossible de dire si il s’agit d’une ENTAC saharisée ou d’une SAHARA ENTACquisée…

Les sixties marquent la fin du temps (béni ?) des colonies. La possession physique de territoires est alors remplacée par des alliances et des soutiens à des régimes ou chefs d’états prêts à coopérer avec la France. L’entente et les promesses économiques sont garanties par un soutien matériel et militaire aux régimes en place. Cela permet de maintenir une présence et une influence de l’Hexagone dans les régions sub-sahariennes tout en s’assurant un approvisionnement dans les matières premières que ces pays ont à offrir.

L’indépendance de l’Algérie ne signifie donc pas la fin du déploiement des jeeps de l’Armée Française dans des zones désertiques, mais ce sont maintenant des M201 « normales » qui seront envoyées.

La question que l’on peut se poser est pourquoi ne pas avoir gardé des jeeps SAHARA avec toutes leurs modifications. Pour comprendre cela il faut identifier le principal problème de l’évolution en terrain désertique : le vapour lock. En effet, les M201 SAHARA sont modifiées pour permettre de diminuer au maximum ce problème, mais la solution apportée est loin d’être parfaite.

Les équipements supplémentaires de la M201 SAHARA n’empêchaient pas l’apparition du vapour lock que cet appelé du 620e GAS essaye de vaincre en refroidissant son carbu avec de l’eau…

Les solutions proposées sur les M201 SAHARA sont compliquées : dédoublement du circuit d’essence, utilisation de conduite souple, ajout d’une pompe électrique, ajouts d’écrans anti-chaleur à côté du carbu et de la pompe à essence mécanique. Mais, tous ces ajouts découlent d’une méconnaissance du phénomène du vapour lock qui se développe principalement dans la cloche supérieure des pompes à essence, désamorçant cette dernière. De nouvelles pompes à essence sans cloches font leur apparition et rendent les aménagements des M201 SAHARA totalement inutiles.

Pompe à essence anti-vapour lock, sans cloche.

Voici une liste des autres problèmes rencontrés dans le désert et qui ont servi à définir les adaptations des M201 SAHARA.

Evolution en terrain désertique : La M201 SAHARA est équipée de Michelin XC 6.50×16. Ce pneu est très efficace dans le désert, mais possède un profil route limitant l’évolution en terrain boueux. L’apparition des Kleber Colombe très performant en milieu désertique mais aussi sur le continent permet une standardisation des pneus sur tout le parc de véhicules.

Emport supplémentaire de carburant : Les M201 SAHARA reçoivent un deuxième réservoir sous le siège passager. Un collecteur permet de choisir quel réservoir alimente le moteur, mais il a tendance à s’encrasser et complique en plus le circuit d’essence. Sur les M201 classiques, l’essence est simplement embarquée dans des jerricans supplémentaires. Il en va de même pour l’eau qui ne nécessite plus un jerrican dédié entre les 2 sièges avant.

Poussières / Sable : Les M201 SAHARA possèdent un pré-filtre à air. Sur les modèles 6V, il ne gène pas trop l’installation moteur, en revanche, son montage sur les 24V rend l’accessibilité aux éléments du moteur difficile (tout comme les écrans de déflection de chaleur). L’installation du Técalémit augmente également le poids de la jeep et nécessite un pot d’échappement différent. Cela fait beaucoup de désavantages pour une problématique beaucoup moins évidente que le vapour lock. Les jeeps sont équipées d’un très bon filtre à air à bain d’huile, dont l’entretien régulier, un « acte de combat », garantit le bon fonctionnement.

De tous ces éléments, j’arrive à la conclusion que la résolution des problèmes de vapour lock par le changement de la pompe à essence par un modèle sans cloche rend les adaptations des M201 SAHARA insignifiant par rapport à l’avantage d’utiliser un véhicule totalement standardisé. Quand on analyse le parc des jeeps françaises au Sahara, ce ne sont pas moins de 5 versions qui coexistent : les M201 ou jeeps ITM 6V, les M201 ou jeeps ITM 12V, les M201 24V, les M201 SAHARA 6V et les M201 SAHARA 24V. Le passage par la Maltournée permet à l’armée française d’utiliser une seule version, la M201 24V, ce qui simplifie grandement la maintenance mécanique du parc. L’évolution en terrain désertique passe par un simple changement de la pompe à essence et une modification du camouflage.

Passons maintenant en revue les principales opérations françaises en milieu désertique et nécessitant l’utilisation de jeeps. Elles se déroulent principalement au Tchad, et en dehors de ces opérations, la France maintient une présence militaire dans le sud saharien.

L’opération Limousin vise à soutenir l’armée tchadienne en proie à des rebelles dans le nord du pays. Elle se déroule de 1969 à 1971.

1970: Camouflage beige clair et pneus Kleber Colombes pour cette M201 et ces 2 Ferrets de Marsouins en opération au Tchad durant l’opération LIMOUSIN.
Autre M201 durant l’opération LIMOUSIN.

L’opération TACAUD est un soutien militaire de la France à l’armée Tchadienne visant à protéger la capitale N’Djamena menacée par les rebelles. Elle se déroule de 1978 à 1980 et implique principalement des régiments d’Infanterie de Marine et de la Légion. Voici quelques photos de jeeps M201 utilisées lors de cette opération.

Cette jeep 2310318 de 1963 n’a que les jantes peintes couleur sable, le reste étant kaki. Notez la présence des jerricans sur le parechoc avant, installation courante lors des opérations dans les zones désertiques.

L’opération MANTA se déroule en 1983 et 84. 3500 militaires français assurent le soutien au Tchad contre les forces Libyennes dans le nord du pays. Voici quelques photos de jeeps M201 utilisées lors de cette opération. Elles sont envoyées en opération dans leur livrée kaki, et seront camouflées par de la boue par les militaires.

Jeep typique de l’opération MANTA: le camouflage est fait avec de la boue; assez courant, un coupe câble est placé sur le parechoc avant, ainsi qu’une boite à munition. La roue de secours et des plaques de désensablage sont fixées sur le capot par des sangles sous un filet, et le parebrise a été enlevé. Un phare de recherche est placé devant la place passager.
Détail sur le camouflage effectué avec de la boue.
Autre jeep durant l’opération MANTA. Le camouflage 2 tons semble avoir été peint et pas obtenu par de la boue. A nouveau on constate l’ajout d’un jerrican sur le parechoc et un coupe-câble.
Configuration assez semblable à la première jeep présentée plus haut: camouflage boue, barda sur le capot, coupe-câble, boite à munition. Notez en plus les sièges recouverts de tissus « Léopard », probablement des quarts de tente.

En 1986, la France modifie le camouflage de son parc de véhicule en passant au 3 tons pour les opérations sur le continent. Un camouflage 2 tons suivant quasi le même schéma est utilisé pour les opérations en milieu désertique. Les jeeps sont principalement repeintes en unités, sur base d’un schéma de camouflage standard dessiné à la craie sur l’ancienne robe kaki. Le noir, le vert et le brun sont ensuite peint au pistolet dans les cours des garnisons. Souvent, les sièges en skaï sont également repeints. La version désert 2 tons du camouflage prend le nom de camouflage Daguet.

Détail sur le camouflage 3 tons de cette M201 de 1962. Les jantes sont peintes en noires. La bâche en skaï est également peinte en suivant le schéma du camouflage.
Vue de l’autre côté.
Détail sur le camouflage Daguet 2 tons. Les lignes brunes sont les mêmes que celles du camouflage 3 tons continental. Le vert et le noir sont remplacés par du beige clair.

Ce nouveau schéma de couleur apparait lors de l’opération Epervier qui se déroule (toujours au Tchad) à partir de 1986 suite à une nouvelle incursion des forces Libyennes. Il est à noter que tous le parc de véhicule ne possède pas encore cette couleur standardisée, et donc des variantes subsistent. Voici quelques photos de jeeps M201 utilisées lors de cette opération.

Sur cette photo tirée d’un reportage du journal de 20h, on constate que les jeeps françaises commence à être fatiguée…
Jeep MILAN du 8e RPIMA en 1987. La jeep est équipée cette fois-ci de pneus Goodyear. Par contre, impossible de dire si la jeep est beige uniforme ou en 2 tons, les différents sacs et équipements recouvrant les zones théoriquement brunes.

Les 3 photos suivantes (qui prouvent s’il le fallait qu’on sait se marrer à l’armée), montrent une jeep au camouflage 2 tons mais ne suivant pas parfaitement le schéma standard. En effet, elle possède plus de zones brun-foncé, et ses jantes sont également bicolores.

Et si on faisait une blague à la prévôté?????
Et voilà!!!!! Remarquez le Transall sur la carrosserie.
Effet garanti!!! Autre détail sur cette jeep, outre l’inscription « PREVOTE » sur fond rouge et blanc, elle possède un gyrophare à l’arrière droite.
PREVOTE

L’opération Daguet est menée en 1990-91 en Irak suite à l’invasion du Koweit. Les dernières M201 y sont déployées, dont la fameuses Old Lady qui laisse sans voix d’incrédules GI’s américains confrontés à un véhicule vieux de 50 ans ayant participé comme leurs aïeux au débarquement.

Gros plan sur la jeep « OLD LADY ». Elle est équipée de 2 rétroviseurs ancien modèle, et malgré sa participation à l’opération Daguet, elle ne porte pas le camouflage de ce nom puisqu’elle est peinte en couleur sable uniquement.
La même jeep, vue arrière.

Toujours en 1991, et de retour au Tchad, voici 2 photos d’une M201 2 tons de la légion à N’Djamena.

Camouflage Daguet standard pour cette M201, mais par contre sa calandre est peinte en 2 tons, ce qui n’est pas le cas normalement (cf photo précédente des 2 jeeps)
La même jeep du 2e REI.

Les jeeps couleurs sable récentes sont assez rare. Patrick T., le propriétaire de la M201 SAHARA 24V, en possédait une qu’il a cédé à Maxime H., le fils du proprio de la M201 Sahara du 1er RHP dont je vous ai déjà parlé. En voici quelques photos.

La M201 camouflage « Daguet » (bien que ce camouflage soit antérieure à l’opération du même nom). Les pneus sont des Kleber Colombes, très adaptés à l’évolution en zone désertique.
Détail sur la remorque. La bâche, tout comme les capotes des M201 était en skaï kaki et furent repeintes en garnison dans la couleur 2 tons.
La capote en skaï est peinte.
Le support de filet de camouflage est une pièce très rare à trouver. Il a donc été refait sur base des plans d’époque.
Typique des M201 utilisées en zone désertique, un jerrican de 10 litres trouve sa place sur le parechoc avant. Un trépied de mitrailleuse AA52 est placé sur le filet de camouflage. Les anciens pneus, des Kleber Colombes, ont été remplacé par des Goodyear, plus agressif.
Autre vue sur le filet de camouflage dans son support.
Montage d’un phare de recherche côté conducteur. Notez la pince de serrage provenant du Castorama de N’Djamena.
Le phare monté. De nombreuses jeeps françaises utilisées au Tchad possèdent un phare de recherche rajouté sur le terrain, preuve en est de l’utilité du phare Auteroche rajouté d’usine sur les M201 SAHARA.
Détail sur l’avant d’une jeep du 1e REC au Tchad. Un phare est rajouté, comme cela fut fait de série sur les M201 SAHARA. C’est une modification de terrain et donc la position du phare varie d’un véhicule à l’autre.

Voilà qui cloture cet article sur les descendantes des M201 SAHARA. La crise sanitaire semble toucher à sa fin mais je ne me priverai pas de vous offrir la petite paraphrase du jour:

« Avoir l’air déconfiné peut être utile mais l’être vraiment serait plus facile. »

Merci Coluche et sur ce,

A+

Big One

2 commentaires

  1. Bonjour; Je possède depuis 2018 une M201 de 1959 d’origine Gendarmerie.Elle n’avait jamais été immatriculée au civil. Le moteur porte une plaque indiquant sa reconstruction en1963. Elle est peinte en kaki mais en voulant faire un raccord sous le porte jerrican j’ai découvert de la couleur « sable ».Radio Gendarme oblige, elle est équipée d’une dynamo 12v grand modele qui pèse le poids d’un ane mort! Serait-ce une ex sahara? Bonsoir.

    • Bonjour Marc,

      Je vous envoie un email avec le processus d’identification.

      Bonne journée

      Xavier

Répondre à Big One Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *