Cet article est la suite du précédent article sur les Jeep de la Gendarmerie. Il va nous permettre de voir plus en détail les marquages de ces véhicules et se base sur une série de photos très détaillées des Jeep utilisées lors de la récupération de la dépouille de Bill Lancaster. Je vous avais déjà parlé de cette histoire dans un article précédent (« Le Southern Cross Minor » ), et je m’étais basé à l’époque sur des photos de faibles qualités trouvées sur Internet. Ces photos avaient été utilisées dans un article relatant cette histoire dans la revue « Gendarmes d’hier et d’aujourd’hui » de 1995 (voir article sur le site du 3è GT).
Il se fait que les photos originales ont été postées en bien meilleure qualité sur le site du 3ème Groupe de Transport, ce qui me permet maintenant de faire une vraie analyse détaillée de ces véhicules.
Mais revenons brièvement à cette histoire : en février 1962, un escadron de Dodge de la Légion tombe par hasard sur une épave d’avion en plein milieu du Tanezrouft. Le pilote git à côté de son avion, et il a laissé un carnet relatant son agonie dans le désert. Il s’agit de Bill Lancaster, aviateur malchanceux ayant tenté de battre le record de vitesse entre Londres et Le Cap en avion en 1929. Comme il y a un cadavre, la gendarmerie est appelée pour constater le décès.
Un escadron de 3 Jeep est donc envoyé pour une mission « hors-pistes ». Et déjà l’article précité nous fournit des informations intéressantes quant à la structure de cet escadron pour ce type de mission :
La 1ère Jeep est celle du Chef de Corps. Elle emmène les réserves de vivre et est responsable de l’orientation de l’escadron. 2 occupants sont à bord.
La 2ème Jeep est la Jeep « Radio », 2 hommes d’équipage : En plus du poste radio, elle emporte du matériel de maintenance afin de palier à une éventuelle panne du poste de télécommunication.
La 3ème Jeep est la Jeep « Auto », 2 hommes d’équipages et du matériel de réparation auto en cas de panne mécanique. J’imagine que l’on doit y trouver du matériel tel que demi-axe de roue arrière, pompe à essence, filtre à essence, fluide divers,… Cette Jeep emmène également une réserve importante de carburant.
Tous les hommes sont volontaires, mais je doute qu’ils aient été difficiles à trouver tant l’excursion risque d’être intéressante.
La photo n° 1 montre les 3 Jeep vu de l’arrière :
Sur la photo n° 2 on voit les 3 Jeep à côté de l’épave de l’avion:
Sur la photo n°3, on voit les 3 Jeep, avec en tête celle du chef de corps, derrière la 2ème Jeep (24V), et à droite mais coupée par le cadrage la 3ème Jeep, équipées en 6V celle-là.
Enfin sur la photo n° 4 on voit la Jeep du chef de corps descendre une dune.
Passons maintenant à l’analyse en détail de ces photos.
Photo 1 :
Premier point très positif, on peut lire 2 immatriculations, à savoir les plaques 211 4055 et 211 4056. J’avais déjà identifié la plaque 211 4056, mais pas encore la 4055. Cela ajoute donc une Jeep à la série d’immatriculation de 1961 qui comportent maintenant les Jeep 211 4004, 4005, 4010, 4033, 4055, 4056, 4076, 4085, 4087 et 4089.
La Jeep du chef de corps étant la 211 4056 (photo 3 et 4), la Jeep 211 4055 en premier plan est soit la Jeep « Auto », soit la Jeep « Radio ». On distingue une antenne partant de la troisième Jeep au fond et donc on a notre réponse tout de suite. La première Jeep est la Jeep « Auto ».
Elle est bien chargée d’ailleurs car en plus de son jerrican, on a placé 5 autres jerricans sur la banquette arrière. Il semblerait qu’ils soient maintenus en position par une barre métallique qu’on voit légèrement dépasser sur le caisson arrière gauche. La caisse est d’ailleurs remplie à ras-bord de matériel. Chaque jerrican de 20 litres permet d’augmenter le rayon d’action de +/- 130km par Jeep.
Les jerricans sont de couleurs très foncés, on aurait presque tendance à dire qu’ils sont peints en noir.
Afin de pouvoir dépanner ou tirer un autre véhicule, une corde assez fine est attachée sur l’attache remorque. Elle est enroulée grossièrement sur la roue de secours.
Sur les parechocs arrière gauche des 2 premières Jeep on voit une grenade sur fond noir, symbole de la gendarmerie. Sur la 3ème Jeep, on ne distingue que le carré, mais il s’agit donc du même marquage.
Les sièges avant sont recouverts de grosses couvertures en laine, et d’ailleurs les hommes ont mis leur kachabia. On est en février, il peut faire très froid dans le désert.
Dernier petit détail assez rare, la première Jeep est équipée d’un porte fusil et on distingue une arme dedans. C’est la première saharienne que je vois équipée comme cela.
Photo n°2 :
On voit les 3 Jeep à côté de l’avion. Les 2 Jeep extérieures sont les 24V, la Jeep centrale est la 6V : c’est la Jeep radio, malheureusement il n’est pas possible de lire sa plaque.
Photo n°3 :
On voit à nouveau les 3 Jeep, mais en tête la 211 4056 du chef de corps. Des couvertures recouvrent également les sièges avant.
Cette Jeep est responsable de l’orientation du groupe. La caisse est bien remplie, on distingue à gauche un jerrican plus clair couché, probablement une nourrice d’eau supplémentaire.
Sur le parechoc on retrouve le marquage de la gendarmerie, à savoir la grenade peinte au pochoir, à gauche du drapeau tricolore, sur un fond carré noir.
A droite, on voit très bien la M201 6V qui est la Jeep radio de cette expédition. GENDARMERIE est écrit sur la tablier du parebrise. L’écriture est blanche, le fond est noir.
Dans l’article précédent sur la gendarmerie, nous avions vu une Jeep de la prévôtale portant l’inscription complète : GENDARMERIE PREVOTALE. Ici, vu la taille des lettres, il ne peut être écrit que GENDARMERIE. On peut donc penser que les 2 autres Jeep 24V ont le même marquage sur leur parebrise.
Photo n°4 :
Il s’agit à nouveau de la Jeep du chef de corps qui descend une dune. Un petit détail a retenu mon attention sur cette photo, à savoir la poignée à laquelle se tient le passager. A cet endroit on trouve normalement une poignée standard mais ici on en a rajouté une plus longue.
Notons qu’on retrouve la même modification sur la Jeep 6V de la photo n°3.
Et voici un agrandissement des 2 poignées :
Autre détail, l’extincteur est fixé sur l’aile côté passager, et on distingue ce qui semble être une petite trousse de secours en-dessous de la poignée. Le jerrican clair est visible devant le pneu. Je pense qu’il s’agit d’une nourrice de 10 litres et pas de 20, et certainement de l’eau comme déjà supposé.
Voilà pour aujourd’hui, vous l’aurez constaté, la vie dans le Sahara n’était certainement pas la même que celle à St Tropez dans les années 60 !
Quoique…
A+