Le terrain de jeux des scientifiques

Les accords d’Evian mettent fin en 1962 à la guerre d’Algérie. Le vent de décolonisation d’après 1945 aura eu raison de l’Indochine et de l’Algérie. La France n’est pas la seule touchée : L’Angleterre par exemple perd également ses principales colonies, et la Belgique va bientôt se séparer du Congo.

Toutefois, l’Algérie revêt toujours un caractère stratégique pour la France. En effet, le Sahara est devenu le terrain de jeux des ingénieurs de l’Hexagone. Afin de pouvoir continuer les essais en cours sans perdre les investissements matériels, financiers mais surtout temporels, les accords d’Evian permettent à la France de maintenir une présence en Algérie dans les différents centres d’essais jusqu’en 1966. Parallèlement, la France se lance dans la construction à Kourou et à Mururoa de ses nouveaux centres.

Mais à quoi joue-t’on au Sahara ???

A Colomb Béchar, c’est le CIEES, le Centre Interarmées d’Essais d’Engins Spéciaux, qui est installé. On y teste toutes sortes de fusées, inspirées par les travaux de Werner Von Braun.

Plus tard, le CIEES s’agrandit à Hammaguir, à 120 km de Béchar, afin d’effectuer des tests sur des plus grandes fusées. C’est la conquête spatiale qui est à l’honneur.

Plus au sud, aux portes du Tanezrouft, le France va essayer (avec succès) de devenir une puissance nucléaire. L’objectif est de réaliser des expériences en plein air, et d’autres sous-terraines.

Pour mener à bien les essais extérieurs, le choix s’est porté sur Reggan. Une ville y est construite dès fin 1957 sur un plateau afin d’abriter les militaires et les civils.

Le CSEM, Centre Saharien d’Expérimentation Militaire, s’installe donc sur ce qui devient Reggan-Plateau. On pense naïvement que l’isolement de l’endroit assurera la sécurité des explosions, mais on n’est pas encore trop au courant (où on ne veut pas l’être) des nuages radioactifs. A Reggan-ville (oasis), on trouve le centre de commandement ainsi que des familles de civils.

On est loin ici de la petite ville coloniale sympathique, comme relaté dans mon article « Bienvenue à Colomb Béchar ». La région est considérée comme une des plus chaudes au monde. La température monte en été souvent au-dessus des 50° à l’ombre. Les précipitations sont quasi inexistantes.

D’ailleurs, pour « rafraichir » les appelés, une piscine est construite dans la base. Le moins que l’on puisse dire en regardant les installations, c’est qu’elles sont austères. Au vue des photos, on pense à une colonie future partant s’installer sur Mars.

Une piste est construite sur place afin de permettre aux DC3, au Nord Atlas ou encore aux Super Constellation d’amener hommes et matériel. On y croise même quelques Tante Ju aux couleurs tricolores.

Ce qui n’est pas transportable par les airs est acheminé par la route dans les camions Berliet du 3ème Groupe de Transport. Ce dernier est d’ailleurs stationné à Reggan à partir de 1964.

À 45 km au sud-ouest de Reggan-Plateau se trouve Hamoudia. Y sont construits les postes de commandement des explosions et des abris pour les appareils de mesures. 15km plus au sud encore se trouve le champ de tir où auront lieu les 4 explosions Gerboise.

Afin de diminuer la pollution atmosphérique provoquée par les explosions, un nouveau centre d’expérimentation, le CEMO (Centre Expérimentation Militaire des Oasis) est ouvert au sud-est, à In-Ekker. A nouveau une base y est construite, mais encore plus rudimentaire. La montagne Tan Afella est choisie pour effectuer les tests d’explosion en sous-terrain. On creuse donc des galeries remplies de capteur et on y effectue les explosions. En 1962, l’explosion Beryl, se passe très mal. La montagne ne contient pas l’explosion et un nuage fortement radioactif s’échappe de la galerie contaminant toute la zone environnante. Toutefois, les autres puissances nucléaires n’ont certainement pas fait plus dans la dentelle.

En 1966, les français évacueront l’Algérie, laissant sur place des zones complètement polluées dont seront victimes les habitants des environs. Ce ne seront pas les seules victimes puisque de nombreux appelés ont été soumis aux radiations.

Mais revenons à nos Jeep Sahara. Elles servent de voiture de liaison ou dirigent les convois. Voici quelques photos que j’ai pu trouver. Les Jeep permettent aussi de s’évader lors des journées de temps libres accordées, en allant visiter les villages environnants ou en organisant un pic-nic.

La première photo tout d’abord cette magnifique Jeep 24V, alignée devant 3 Dodge Sahariens à Reggan. Son capot est ouvert, ce qui pourrait sous-entendre qu’elle est en vapour-lock et qu’on essaye d’aérer son moteur.

On distingue dans le compartiment moteur le filtre à essence placé à gauche, à l’endroit du klaxon, sur les sahariennes 24V.

Les photos suivantes proviennent des archives de l’INA. On y voit cette Sahara 6 Volts « radioactive » avec ses 4 occupants. On distingue bien son phare sur le pare-brise, par contre son filtre à air a été enlevé. J’ai envie de parodier la pub Tonigencyl et de dire:« Regarde, c’est là, entre le filtre et le capot que le Plutonium se cache! ».

Sur la 4ème photo, on voit bien à droite de la grenade blanche, le trou dans la caisse ou doit passer le tube venant du pré-filtre à air.

Sur la photo suivante, on voit un convoi de véhicule avec à sa tête une Jeep Sahara 6 Volts. Il s’agit d’une évacuation de la zone de tir avant l’explosion Saphir.

La photo suivante, malheureusement de très mauvaise qualité, montre un convoi de Jeep et de Dodge en route vers l’Assekrem, dans le massif du Hoggar, pour une permission de quelques jours.

Enfin, lors d’un trajet en permission vers Mertoutek, petit village connu pour ses peintures rupestres, une rencontre avec des Touaregs. On distingue bien l’arrière de la bâche brune, avec son rabattant triangulaire.

A+

Big One

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